L’ancien avocat français, Robert Bourgi, réputé pour être l’héritier des réseaux d’influence de Jacques Foccart, figure emblématique de la Françafrique, a récemment fait des révélations fracassantes dans ses mémoires. Dans ces écrits, intitulés « Ils savent que je sais tout », Bourgi lève le voile sur une partie des pratiques opaques qui ont longtemps caractérisé les relations entre la France et certains États africains, notamment le Gabon. Les Révélations de Robert Bourgi.
Un Pacte Doré avec Ali Bongo
Selon Bourgi, il a perçu la somme colossale de 1 million de dollars par an entre 2009 et 2013 de la part d’Ali Bongo, alors président du Gabon. Ces paiements, s’élevant à un total de 5 millions de dollars, soit environ 3 milliards de FCFA, auraient été versés dans le cadre de ses activités de lobbying auprès des milieux d’influence en France. Une relation financière qui s’inscrit dans la continuité des liens qu’il entretenait déjà avec Omar Bongo, père d’Ali Bongo et ancien président gabonais. Selon une source proche de la présidence gabonaise, ces versements auraient même atteint un plafond de 3 milliards de FCFA annuels durant certaines périodes.
Un Conflit d’Intérêts à l’Origine des Frictions
Cependant, cette entente n’a pas perduré. Les relations entre Ali Bongo et Robert Bourgi se sont détériorées lorsque le président gabonais a décidé de réduire les montants versés à l’avocat. Une somme revue à la baisse de 1,5 milliard de FCFA a été proposée, mais Bourgi, indigné par cette diminution, a rejeté l’offre. Ce désaccord financier semble avoir été le point de départ des attaques virulentes de Bourgi à l’encontre d’Ali Bongo, particulièrement visibles avant et après l’élection présidentielle gabonaise de 2016.
Une Immunité Dérangeante
Interrogé sur France 24 par le journaliste Marc Perelman au sujet de ces transactions financières, Robert Bourgi a esquivé la question en affirmant qu’il n’était pas devant un juge d’instruction. « Je suis là pour parler de mes mémoires », a-t-il rétorqué, affichant une certaine assurance, voire une arrogance, nourrie par le fait qu’aucune enquête judiciaire ne semble être en cours contre lui. Selon lui, les paiements reçus étaient tout à fait légaux, car effectués sur son compte professionnel et soumis à l’impôt français.
La Boîte de Pandore de la Françafrique
Les révélations de Bourgi, loin d’être anecdotiques, mettent en lumière un système où les dirigeants africains utilisaient des fonds publics pour acheter des services de lobbying en France, assurant ainsi la pérennité de réseaux d’influence hérités de la Françafrique. Ces pratiques, bien que largement connues, restent peu documentées dans les sphères officielles. Le fait que Bourgi se permette de parler ouvertement de ces transactions sans crainte de poursuites montre la solidité de ces liens et l’impunité qui entoure encore aujourd’hui ces affaires.
Quelles Révélations à Venir ?
Il est probable que d’autres informations émergent si Ali Bongo venait à publier ses propres mémoires. Ce dernier pourrait alors partager sa version des faits et détailler davantage ses relations avec Robert Bourgi. Une perspective qui pourrait éclairer un peu plus les rouages des relations franco-africaines et les intérêts souvent peu avouables qui les sous-tendent.
En somme, les confessions de Bourgi rappellent à quel point les jeux d’influence entre la France et ses anciennes colonies demeurent complexes et parfois entachés de pratiques peu scrupuleuses. Si ces révélations ne surprennent pas ceux qui connaissent l’histoire de la Françafrique, elles révèlent néanmoins une certaine continuité dans la manière dont les relations diplomatiques et économiques entre les deux continents ont été gérées durant des décennies. Lire Plus !
Les mémoires de Robert Bourgi viennent alimenter un débat plus large sur la Françafrique et l’influence persistante de la France dans les affaires africaines. Elles jettent une lumière crue sur des pratiques qui, bien que discrètes, continuent de façonner les relations entre les élites politiques africaines et françaises. Mais au-delà des scandales révélés, c’est la question de l’impunité et des privilèges qui reste la plus marquante. Tant que ces réseaux demeureront intouchables, la transparence et la justice resteront des concepts lointains pour les populations concernées.
Un Système Pervasif et Endémique
L’affaire Bourgi ne saurait être isolée. Elle est le reflet d’un système bien ancré dans les relations postcoloniales entre la France et ses anciennes colonies africaines. La Françafrique, un terme qui fait référence à cette toile d’influence tissée entre les élites africaines et françaises, est souvent synonyme d’ingérences politiques, de détournements de fonds publics et d’opérations de lobbying. Ce réseau, consolidé sous l’égide de Jacques Foccart, a survécu à travers plusieurs présidences françaises, avec des figures comme Robert Bourgi jouant le rôle d’intermédiaires entre les deux continents.
Cependant, le système s’est adapté et transformé au fil des décennies, devenant parfois plus sophistiqué, mais conservant ses pratiques d’opacité. L’impunité affichée par Robert Bourgi sur le plateau de France 24 illustre à quel point ces pratiques sont profondément enracinées. En déclarant ouvertement : « Je ne suis pas devant un juge d’instruction », Bourgi met en lumière l’absence d’enquête ou de poursuites à son encontre, soulignant ainsi l’inertie des systèmes judiciaires tant en France qu’en Afrique pour enquêter sur ces questions.
Les Répercussions pour le Gabon
Pour le Gabon, ce type de révélations est doublement préjudiciable. D’une part, elles mettent en lumière l’utilisation des fonds publics gabonais pour des opérations de lobbying coûteuses en France, alors que les populations locales souffrent de difficultés économiques et sociales croissantes. Le Gabon, riche en ressources naturelles, notamment en pétrole, est un pays où une grande partie de la population vit toujours dans la pauvreté, malgré l’immense richesse de ses élites dirigeantes. Ce contraste exacerbe les sentiments de frustration et de colère chez les Gabonais, qui voient des sommes colossales destinées à l’influence politique à l’étranger, tandis que les besoins élémentaires de la population restent souvent insatisfaits.
D’autre part, ces révélations pourraient encore davantage ternir l’image d’Ali Bongo et de son régime, déjà critiqué pour sa gestion autoritaire du pouvoir et son incapacité à répondre aux aspirations démocratiques des citoyens. Les tensions entre Bourgi et Bongo, nées de la réduction des sommes allouées à l’avocat, révèlent les dessous d’une diplomatie parallèle et d’une économie souterraine des services de lobbying, où des intérêts personnels priment sur l’intérêt général.
Les Ombres de la Françafrique
Le cas Bourgi soulève également une question plus large : pourquoi ces réseaux de la Françafrique continuent-ils de prospérer dans un monde censé être plus transparent et démocratique ? La réponse réside peut-être dans la complexité des relations diplomatiques et économiques entre la France et ses anciennes colonies. Ces réseaux d’influence se sont construits sur des décennies de coopération politico-économique, parfois alimentée par des intérêts mutuels : les élites africaines cherchant à maintenir leur pouvoir en s’assurant le soutien de Paris, et la France cherchant à préserver son influence stratégique et économique en Afrique.
Les acteurs de ces réseaux, tels que Bourgi, ont ainsi servi de courroies de transmission entre les pouvoirs africains et français. Ils ont navigué dans des zones grises, facilitant des accords de coulisses, négociant des contrats de ressources naturelles, et obtenant des soutiens politiques en échange de largesses financières. Mais malgré la fin officielle de la Françafrique, ces pratiques semblent persister, même si elles se déroulent désormais sous des formes plus subtiles et modernisées.
Vers une Transparence Plus Grande ?
À mesure que des figures comme Robert Bourgi commencent à dévoiler certains aspects de ces réseaux, la question qui se pose est : qu’en est-il de la transparence et de la responsabilité ? Si des sommes considérables ont été versées à des intermédiaires pour des services de lobbying, pourquoi ces transactions n’ont-elles pas fait l’objet de contrôles plus stricts, tant du côté gabonais que français ? La transparence, tant réclamée par la société civile, semble toujours faire défaut dans ces relations opaques.
Il est également probable que d’autres révélations ébranlent à nouveau le paysage politique africain et français. La publication potentielle des mémoires d’Ali Bongo pourrait effectivement dévoiler de nouveaux pans de cette diplomatie parallèle, exposant ainsi les liens parfois douteux entre les dirigeants africains et leurs interlocuteurs français. De tels écrits pourraient avoir un impact important sur la perception du public quant à la nature des relations franco-africaines et sur la manière dont elles sont gérées derrière des portes closes.
Le Temps des Réformes
En fin de compte, les révélations de Robert Bourgi rappellent une réalité amère : tant que ces réseaux et leurs pratiques resteront impunis et largement tolérés, il sera difficile d’instaurer une véritable transparence dans les relations entre la France et ses anciennes colonies. Pourtant, une refonte de ces relations, basée sur des principes de responsabilité, d’équité et de respect mutuel, semble indispensable pour sortir du schéma postcolonial qui continue d’empoisonner les rapports entre les deux continents.
Les efforts de certaines organisations et acteurs de la société civile pour dénoncer ces pratiques et appeler à des réformes sont essentiels. Mais la véritable transformation viendra sans doute de l’intérieur, lorsque les élites politiques et économiques prendront la mesure des défis à relever pour construire des relations plus justes et équilibrées.
Les mémoires de Robert Bourgi ne sont peut-être que le sommet de l’iceberg dans une affaire plus vaste qui touche aux relations franco-africaines. En dévoilant ces transactions douteuses et les réseaux d’influence, il contribue à une prise de conscience sur l’importance de réformer les liens entre la France et ses anciennes colonies. Néanmoins, le chemin vers une transparence totale et une gouvernance responsable reste encore semé d’embûches, et seul l’avenir dira si ces révélations serviront de catalyseur pour un changement véritable. Infos Plus !
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