Voix chancelante, débit monocorde : loin de convaincre, le président américain Joe Biden est apparu fragile et hésitant lors du débat qui l’opposait à Donald Trump, jeudi sur CNN. À 81 ans, les interrogations sur son état de santé et son aptitude à briguer un second mandat étaient déjà nombreuses. Cette prestation jugée catastrophique n’a fait qu’accentuer les appels à son retrait au profit d’un autre candidat démocrate, alors que l’échéance présidentielle approche à grands pas. Biden.

Un débat crucial manqué

Joe Biden espérait redonner un nouvel élan à sa campagne en réclamant ce face-à-face avec son prédécesseur républicain, à quatre mois de l’élection présidentielle. Cependant, au lieu de rassurer les Américains sur sa santé, son apparence confuse et sa voix enrouée, attribuée à un « rhume » par son équipe, ont renforcé les inquiétudes. Pendant une heure et demie, le président a peiné à s’exprimer clairement, face à un Donald Trump qui, de son côté, a multiplié les exagérations et contre-vérités. Cette performance a rendu la question de l’âge de Biden centrale dans cette fin de campagne.

Réactions et critiques virulentes

Dans un éditorial cinglant publié vendredi dans le New York Times, Thomas Friedman, se décrivant comme un « ami » de Joe Biden, a affirmé que ce dernier « n’est pas en position de briguer une réélection ». Maria Shriver, nièce de John Fitzgerald Kennedy et alliée de longue date de Biden, a exprimé sa déception sur X, déclarant que sa prestation lui avait « brisé le cœur ».

Un scénario envisagé depuis des mois

Pour Marie-Christine Bonzom, politologue et ancienne correspondante de la BBC à Washington, ce débat sera une exception notable dans l’histoire des campagnes présidentielles américaines. « La performance de Joe Biden est doublement catastrophique, non seulement pour lui, mais aussi pour le camp démocrate qui envisage depuis des mois de lui chercher un remplaçant », analyse-t-elle. Un tel scénario serait inédit depuis 1968, lorsque le parti avait dû trouver un successeur à Lyndon B. Johnson en pleine guerre du Vietnam.

Des stratèges en panique

Sous couvert d’anonymat, plusieurs stratèges du parti ont confié à Politico avoir été submergés de SMS de panique tout au long de la soirée. Certains donateurs influents ont même qualifié le débat de « désastre » et demandé au parti de prendre des mesures urgentes.

La réponse de Biden

Le lendemain, en meeting en Caroline du Nord, Joe Biden a reconnu ses difficultés : « Je ne marche pas aussi facilement qu’autrefois, je ne parle pas aussi aisément qu’autrefois, je ne débats pas aussi bien qu’autrefois », a-t-il concédé. Cependant, il a insisté sur sa conviction de pouvoir encore assumer la présidence : « Je ne me représenterais pas si je ne croyais pas, de tout mon cœur et de toute mon âme, que je peux faire ce boulot ».

Scénarios possibles et candidats potentiels

Théoriquement, Joe Biden pourrait encore se retirer avant la Convention démocrate en août, où le candidat à la Maison Blanche sera officiellement désigné. Les démocrates se retrouveraient alors dans une Convention « ouverte » où les voix des délégués obtenues par Biden seraient redistribuées. Parmi les potentiels remplaçants, on compte sa vice-présidente Kamala Harris et des gouverneurs comme Gavin Newsom (Californie), Gretchen Whitmer (Michigan), Josh Shapiro (Pennsylvanie) et J.B. Pritzker (Illinois).

Une sortie « gracieuse et respectueuse » ?

Marie-Christine Bonzom anticipe des pressions croissantes sur Joe Biden pour qu’il se retire avec dignité. Elle envisage une soirée d’hommages appuyés à sa carrière lors de la Convention nationale pour faciliter son départ.

Un soutien financier qui persiste

Malgré les critiques, l’équipe de campagne de Joe Biden a annoncé avoir récolté 14 millions de dollars le jour du débat et le lendemain matin, un record depuis le lancement de la campagne en avril 2023. Un signe que, pour l’instant, le président n’est pas prêt à abandonner la course.

Les prochaines semaines seront déterminantes pour l’avenir de Joe Biden et du Parti démocrate. La question de savoir s’il restera en lice ou cédera la place à un autre candidat demeure ouverte, alors que l’échéance électorale approche à grands pas.

Les prochaines étapes pour Joe Biden et le Parti démocrate

Alors que les pressions montent et que les spéculations se multiplient, plusieurs scénarios sont envisageables pour l’avenir de Joe Biden et le Parti démocrate.

Pressions internes et stratégie du Parti

Les membres influents du Parti démocrate sont désormais face à un dilemme délicat. D’un côté, ils doivent préserver l’unité du parti et éviter une fracture interne qui pourrait coûter cher lors des élections. De l’autre, ils doivent prendre en compte les inquiétudes légitimes concernant la capacité de Joe Biden à mener à bien un second mandat.

David Axelrod, ancien stratège en chef de Barack Obama, a reconnu que des discussions sur l’avenir de Biden sont inévitables. « Il y aura des discussions sur la question de savoir s’il doit continuer », a-t-il déclaré sur CNN. Cependant, il a souligné la difficulté de remplacer un candidat sans son accord, une situation compliquée par les règles strictes du Parti démocrate.

Le poids des donateurs et de l’électorat

Les donateurs jouent également un rôle crucial dans cette dynamique. Les SMS de panique et les appels à l’action qu’ils ont adressés aux stratèges du parti montrent leur influence considérable. Si les donateurs majeurs continuent à exprimer leurs doutes, cela pourrait forcer les dirigeants du parti à envisager sérieusement un remplacement.

Les électeurs démocrates, quant à eux, doivent être rassurés rapidement. Une campagne marquée par l’incertitude et les divisions internes pourrait se traduire par une perte de confiance et un désengagement des électeurs, ce qui serait désastreux lors des élections de novembre.

Des potentiels successeurs prêts à prendre le relais

Parmi les potentiels successeurs de Joe Biden, Kamala Harris semble être en première ligne. En tant que vice-présidente, elle dispose déjà d’une certaine visibilité et pourrait offrir une transition relativement douce. Cependant, d’autres figures du parti, comme Gavin Newsom, Gretchen Whitmer, Josh Shapiro et J.B. Pritzker, sont également perçues comme des alternatives viables. Chacun d’eux a ses propres atouts et pourrait attirer différents segments de l’électorat démocrate.

La Convention démocrate : un tournant décisif

La Convention démocrate, prévue en août, sera un moment clé. Si Joe Biden décide de se retirer, ce sera l’occasion pour le parti de se rassembler autour d’un nouveau candidat. Dans le cas contraire, des discussions et des négociations intenses auront lieu pour déterminer la meilleure stratégie à adopter.

Jérôme Viala-Gaudefroy, spécialiste des États-Unis, souligne l’importance de cette période : « Les prochaines semaines seront cruciales pour définir la direction que prendra le Parti démocrate. Il y a urgence à rassurer l’électorat et à offrir une vision claire et convaincante pour l’avenir. »

Une sortie digne et respectueuse

La proposition d’une sortie « gracieuse et respectueuse » pour Joe Biden, envisagée par Marie-Christine Bonzom, pourrait être une solution acceptable pour tous. Une soirée d’hommages lors de la Convention nationale permettrait de célébrer la carrière et les réalisations de Biden tout en facilitant une transition en douceur vers un nouveau candidat.

Le futur incertain de la campagne

En attendant, Joe Biden continue de mener sa campagne avec détermination, malgré les critiques et les doutes. La levée de fonds record après le débat montre qu’il bénéficie toujours d’un soutien financier important, signe que certains de ses partisans croient encore en ses chances de succès.

Cependant, le président devra faire face à des pressions croissantes dans les semaines à venir. Sa capacité à rassurer son propre parti et à convaincre les électeurs qu’il est encore apte à gouverner sera déterminante pour la suite de sa campagne.

Le Parti démocrate se trouve à un carrefour critique. Les décisions prises dans les prochaines semaines auront un impact majeur sur l’issue de l’élection présidentielle de 2024 et sur l’avenir du parti. Que Joe Biden reste en lice ou qu’un nouveau candidat prenne le relais, l’unité et la stratégie du parti seront essentielles pour remporter la victoire face à Donald Trump et aux Républicains.

Source : Gablibre / France 24