Une lettre datée du 1er juillet a provoqué un émoi considérable à Libreville. Fuitée dans la presse gabonaise, cette correspondance de la Banque mondiale informe le gouvernement de transition de sa décision de geler les décaissements en raison des impayés du Gabon. La Banque mondiale a exprimé ses regrets quant à la diffusion publique de ce courrier, soulignant que les échanges de correspondances entre les autorités gouvernementales et l’institution font partie des tâches de routine. Elle a cependant ajouté que la situation était en cours de régularisation. Gabon.
Le ministère gabonais des comptes publics a rapidement réagi, assurant au Monde, le 3 juillet, que le gouvernement avait déjà procédé au paiement de ces impayés. Malgré ces déclarations rassurantes, la situation financière du Gabon reste préoccupante sous le régime de transition dirigé par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, arrivé au pouvoir après un coup d’État contre Ali Bongo Ondimba le 30 août 2023. En juin, l’agence de notation Moody’s a dégradé la note du Gabon de Caa1 à Caa2, signalant une situation budgétaire plus faible que prévu.
Dégradation de la Note et Pessimisme du FMI
Moody’s justifie cette dégradation par une situation budgétaire plus fragile que prévu initialement, ajoutant à la défiance des investisseurs étrangers. Le FMI partage ce pessimisme, avec des projections indiquant une aggravation de la dette gabonaise de 73,1 % à 78 % du PIB entre 2024 et 2025. Le ministère des comptes publics explique cette différence par le manque de transparence et la corruption du régime d’Ali Bongo Ondimba. La task force mise en place après le coup d’État a révélé un volume de dette plus important que prévu, partagé en toute transparence avec les partenaires internationaux.
Depuis l’arrivée des militaires au pouvoir, le Gabon continue de s’endetter pour financer le plan national de développement pour la transition. Le gouvernement a nationalisé plusieurs entreprises et a pris des participations dans de grands groupes. En janvier, l’État a acquis 30 % des parts de la Ceca-Gadis, le leader de la grande distribution au Gabon, et en février, il a racheté Assala Energy, le deuxième producteur national de pétrole. D’autres acquisitions ont suivi, comme l’achat de 30 % des parts étrangères de la Société gabonaise d’entreposage des produits pétroliers (Sgepp) et une entrée au capital de la compagnie aérienne gabonaise Afrijet.
Un Déficit Budgétaire en Augmentation
Le montant de la dette gabonaise, évalué à 7 131 milliards de francs CFA fin 2022, devrait dépasser les 8 000 milliards de francs CFA en 2024, selon le FMI. Ce taux d’endettement dépasse le seuil de 70 % du PIB fixé par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Les autorités gabonaises justifient ces dépenses par leur slogan « Gabon first » et espèrent un retour sur investissement conséquent. Cependant, la dette pèse lourdement sur les finances publiques, avec près de 70 % des recettes consacrées à son remboursement cette année, au détriment des investissements pour le développement.
Le FMI s’inquiète également du creusement du déficit budgétaire de l’État, passant de 1,6 % à 3,6 % du PIB entre 2023 et 2024, malgré une augmentation des recettes fiscales et douanières. Bien que la Banque mondiale et Moody’s reconnaissent la bonne volonté des autorités de transition à s’acquitter de leurs dettes et œuvrer en faveur des populations, la situation financière du Gabon reste fragile. La Banque mondiale réaffirme néanmoins son engagement à accompagner le Gabon pour garantir la mise en œuvre effective de l’ensemble des projets de son portefeuille, tandis que Moody’s maintient une perspective stable pour le pays.
Vers une Stabilisation Financière ?
Malgré les défis actuels, les autorités de transition gabonaises mettent en œuvre des mesures visant à stabiliser la situation économique. Parmi celles-ci, on compte une série de réformes fiscales et une réorganisation des dépenses publiques pour réduire le déficit budgétaire. Le ministre des comptes publics, Charles René Mba, a annoncé des plans pour améliorer la collecte des recettes fiscales et renforcer la lutte contre la corruption, espérant ainsi restaurer la confiance des investisseurs et des institutions financières internationales.
Le Rôle des Institutions Internationales
Le soutien des institutions internationales demeure crucial pour le Gabon en cette période de transition. La Banque mondiale et le FMI jouent un rôle clé en fournissant des conseils techniques et une assistance financière. Le FMI, bien que pessimiste sur les perspectives à court terme, continue d’engager un dialogue avec les autorités gabonaises pour établir des stratégies de gestion de la dette et de stimulation de la croissance économique.
Le rapport de la Banque mondiale sur le Gabon souligne l’importance de la transparence et de la bonne gouvernance pour attirer les investissements étrangers. L’institution met en avant les efforts du gouvernement pour régulariser les impayés et améliorer la gestion des finances publiques. Elle appelle toutefois à une vigilance accrue pour éviter de nouveaux retards de paiement qui pourraient nuire à la crédibilité financière du pays.
Initiatives de Développement
En parallèle, le gouvernement de transition s’engage dans plusieurs projets de développement visant à diversifier l’économie et réduire la dépendance aux revenus pétroliers. Les investissements dans les infrastructures, l’agriculture et les technologies numériques sont prioritaires. Le plan national de développement pour la transition met également l’accent sur l’amélioration des services publics, notamment l’éducation et la santé, pour répondre aux besoins urgents de la population.
Les autorités gabonaises misent sur ces initiatives pour créer des emplois, stimuler la croissance économique et réduire la pauvreté. Le ministre de l’Économie, Luc Oyoubi, a déclaré que la diversification économique est essentielle pour assurer une croissance durable et inclusive.
La Voie vers l’Avenir
Le chemin vers la stabilité économique et financière du Gabon est semé d’embûches, mais les autorités de transition semblent déterminées à surmonter ces défis. Les réformes en cours, combinées au soutien des institutions internationales et aux investissements stratégiques, pourraient progressivement redresser la situation.
Cependant, la réussite de ces efforts dépendra en grande partie de la capacité du gouvernement à maintenir la discipline budgétaire, à renforcer la transparence et à restaurer la confiance des investisseurs. La vigilance et la collaboration avec les partenaires internationaux resteront essentielles pour assurer une transition réussie vers une gouvernance démocratique et une économie stable.
La communauté internationale observe de près les développements au Gabon, espérant que le pays pourra surmonter ses difficultés actuelles et ouvrir une nouvelle ère de prospérité pour ses citoyens. La situation reste fragile, mais avec des politiques judicieuses et un engagement ferme, le Gabon pourrait tracer une voie vers un avenir plus stable et prospère.
Source : Gablibre / Le monde.fr
0 commentaires