Le mariage, symbole universel d’amour et d’union, peut parfois être terni par des actes de violence sexuelle, en particulier lorsque le consentement d’un conjoint est ignoré. Au Gabon, cette question du consentement dans le mariage a longtemps été un sujet tabou, notamment en raison de certaines traditions qui considèrent le devoir conjugal comme indissociable du mariage, indépendamment du consentement de l’épouse. Le Mariage au Gabon.
Les Traditions et la Réalité
Melviva Benga Bengone, une traditionaliste, exprime une vision répandue dans certaines régions : « Le terme viol conjugal n’existe pas dans nos mœurs, c’est inconcevable », affirme-t-elle. « Qu’elle le veuille ou pas, une femme a l’obligation de satisfaire son mari. Ce n’est pas un débat. » Cette perception trouve ses racines dans des coutumes où le devoir conjugal est perçu comme un droit inaliénable du mari.
Pendant des décennies, cette vision a été renforcée par l’ancien code pénal de 1963 qui ne définissait pas explicitement le viol, laissant ainsi les conjoints libres de disposer sexuellement du corps de leur partenaire sans tenir compte de leur consentement. Les conséquences de cette absence de reconnaissance légale sont illustrées par des témoignages poignants, comme celui de « Jane Doe », victime d’agressions conjugales pendant plus de 20 ans.
Témoignage de Souffrance et de Silence
« J’ai été, pendant plus de 20 ans, abusée sexuellement par mon ex-époux. La plupart du temps, quand il rentrait dans un état second, totalement inhibé par l’alcool, non seulement il me battait, mais par la suite, il abusait de moi », témoigne Jane Doe. Lorsqu’elle se tournait vers ses parents pour obtenir de l’aide, ceux-ci la blâmaient, l’accusant de ne pas assumer correctement son devoir conjugal. Cette réaction montre combien le tabou et la stigmatisation peuvent exacerber la souffrance des victimes.
Évolution Législative : Une Lueur d’Espoir
Cependant, la loi a évolué. En 2013, une première avancée législative a défini la notion de viol, bien que sans aborder spécifiquement le viol conjugal. Ce n’est qu’en 2021, avec la loi N° 005/2021 du 06/09/2021, que le viol conjugal a été explicitement reconnu et condamné. Cette loi stipule que constitue un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, avec violence, contrainte, menace, surprise ou ruse, quelle que soit la nature des relations entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont mariés.
Un Pas vers une Société plus Juste
Cette évolution législative marque une avancée majeure dans la protection des victimes de viol conjugal. En criminalisant le viol conjugal, le législateur contribue à briser le tabou entourant cette pratique et à promouvoir une société plus respectueuse des droits et du consentement de chacun. Cette reconnaissance légale permet de sensibiliser le public et de changer les mentalités, en encourageant une société où le consentement est respecté dans toutes les relations, y compris au sein du mariage.
Le chemin vers une société où le consentement est respecté dans toutes les relations est encore long. Cependant, la reconnaissance légale du viol conjugal constitue une étape importante dans la lutte contre les violences sexuelles et la promotion de l’égalité des sexes au Gabon. Cette avancée législative offre une lueur d’espoir aux victimes et représente un pas crucial vers une société plus juste et égalitaire.
L’Impact de la Nouvelle Législation
La loi N° 005/2021 du 06/09/2021 sur le viol conjugal a non seulement apporté une reconnaissance légale nécessaire, mais a également permis de sensibiliser et d’éduquer la population sur l’importance du consentement. Les campagnes de sensibilisation et les programmes éducatifs ont été intensifiés pour informer les citoyens sur leurs droits et les soutenir dans la dénonciation des violences sexuelles.
Les organisations non gouvernementales (ONG) jouent également un rôle crucial dans ce processus. Elles fournissent des ressources, des refuges, et un soutien psychologique aux victimes. De plus, elles collaborent avec les autorités pour assurer que les lois sont mises en œuvre efficacement et que les coupables sont traduits en justice.
Les Défis Persistants
Malgré ces avancées, de nombreux défis subsistent. La stigmatisation sociale et la peur de représailles empêchent encore de nombreuses victimes de signaler les abus. Les mentalités profondément enracinées dans certaines communautés continuent de considérer le viol conjugal comme un sujet tabou. Il est essentiel de continuer à éduquer et à sensibiliser pour changer ces perceptions.
Les infrastructures et les ressources pour soutenir les victimes sont également insuffisantes dans de nombreuses régions. Les zones rurales, en particulier, manquent souvent de services de soutien adéquats, rendant difficile pour les victimes d’accéder à l’aide nécessaire. Les efforts doivent être redoublés pour améliorer l’accès à ces ressources et pour former les professionnels de santé et les forces de l’ordre à gérer les cas de violences sexuelles avec sensibilité et efficacité.
Vers un Changement de Mentalité
Le changement de mentalité est un processus long et complexe. Il nécessite la participation active de toutes les couches de la société : les leaders communautaires, les enseignants, les familles et les individus. Les médias jouent également un rôle crucial en mettant en lumière les histoires des survivantes et en promouvant des messages de respect et d’égalité.
Des initiatives de formation et de sensibilisation doivent être mises en place dès le plus jeune âge pour inculquer les valeurs de respect et de consentement. Les programmes scolaires peuvent intégrer des modules sur les droits humains, le consentement et l’égalité des sexes. De plus, les campagnes médiatiques peuvent aider à démystifier les mythes entourant le viol conjugal et à promouvoir une culture de consentement.
La Voix des Survivantes
La voix des survivantes, comme Jane Doe, est essentielle dans cette lutte. En partageant leurs expériences, elles brisent le silence et encouragent d’autres victimes à parler. Leur courage inspire des changements législatifs et sociaux. Les plateformes de soutien et de témoignages offrent aux survivantes un espace sûr pour partager leurs histoires et trouver du soutien.
Les témoignages publics contribuent également à sensibiliser le grand public et à remettre en question les normes sociales existantes. Ils rappellent à la société que le respect et le consentement sont des piliers fondamentaux de toute relation, y compris au sein du mariage.
La reconnaissance légale du viol conjugal au Gabon est une étape cruciale vers la protection des droits des femmes et la promotion de l’égalité des sexes. Cependant, il reste beaucoup à faire pour garantir que ces lois soient pleinement mises en œuvre et que toutes les victimes puissent accéder à la justice et au soutien dont elles ont besoin.
En continuant à sensibiliser, à éduquer et à soutenir les victimes, le Gabon peut progresser vers une société où le respect, le consentement et l’égalité sont valorisés. C’est un long chemin, mais chaque pas compte dans la construction d’un avenir plus juste et équitable pour tous.
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