Adoptée en 1991, modifiée à plusieurs reprises et longtemps critiquée, la Constitution gabonaise est sur le point de subir une refonte totale. Cette réforme, fortement plébiscitée par la population lors du Dialogue national inclusif d’avril 2024, est désormais en cours d’élaboration. Le 8 mai, la junte au pouvoir a nommé un Comité constitutionnel national composé de 21 membres pour rédiger le nouveau texte. RFI a pu obtenir les principales mesures de cette nouvelle Constitution. Réforme Historique.
Un Processus Inclusif et Démocratique
La future Constitution comptera environ 150 articles répartis en une douzaine de titres. Selon un des rédacteurs, elle « sera la plus démocratique de l’histoire du pays, car elle dérive directement des Gabonais eux-mêmes ». Après la nomination du Comité constitutionnel national par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) le 8 mai, les panélistes ont travaillé intensément pour finaliser une version définitive le 13 mai.
Les 21 membres, issus de divers horizons académiques, politiques, religieux, juridiques et de la société civile, ont travaillé dans un esprit de consensus. Malgré certaines difficultés initiales, notamment dues au manque de spécialisation en droit constitutionnel de certains membres, le comité a réussi à élaborer un texte détaillé et cohérent en prenant en compte l’héritage constitutionnel du Gabon.
Inspirations et Comparaisons Internationales
Pour enrichir la réflexion, le comité a utilisé des sources juridiques internationales, notamment les constitutions française, américaine, allemande, espagnole, belge, sud-africaine, ivoirienne, béninoise et sénégalaise. Les travaux se sont également appuyés sur la jurisprudence de l’ancienne Cour constitutionnelle du Gabon, ainsi que sur des traités internationaux africains et la charte de l’ONU.
Un Régime Présidentiel Équilibré
Le projet de Constitution instaure un régime présidentiel avec des garde-fous pour éviter la concentration excessive du pouvoir. Le président de la République aura un mandat de sept ans, renouvelable une fois, et devra être Gabonais de père et de mère, sans double nationalité. Le président sera à la fois chef de l’État et du gouvernement, éliminant ainsi le poste de Premier ministre.
Pour garantir la responsabilité du président, un système de destitution est prévu en cas de haute trahison, de violation du serment ou de la Constitution. Cette destitution nécessitera l’approbation des deux tiers des parlementaires, et pourra également s’appliquer aux ministres, présidents des hautes cours et juges de la Cour constitutionnelle.
Protection contre les Abus de Pouvoir
Le texte introduit un système « anti-tripatouillage » pour protéger certains articles de la Constitution, notamment ceux concernant la durée et le nombre de mandats présidentiels. Ces articles seront quasi inviolables, modifiables uniquement par référendum. Les réformes constitutionnelles mineures pourront être effectuées par voie parlementaire, sauf celles touchant à la souveraineté nationale.
Un Parlement Renforcé
L’Assemblée nationale et le Sénat seront maintenus, avec des parlementaires élus pour un mandat de cinq ans renouvelable à vie. Le Parlement disposera de pouvoirs étendus, notamment celui de destitution, et pourra interpeller le président sur des points précis. Des commissions d’enquête et de contrôle seront également possibles.
Indépendance du Pouvoir Judiciaire
Le Conseil supérieur de la magistrature sera maintenu, dirigé par le président et incluant le ministre de la Justice, mais sans députés parmi ses membres. La Cour constitutionnelle, composée de magistrats, professeurs de droit constitutionnel, un avocat et un fonctionnaire spécialisé, aura une indépendance renforcée, avec des compétences techniques spécifiques.
Conclusion et Perspectives
Ce projet de Constitution doit maintenant être présenté au chef de l’État, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, puis au Parlement. Des amendements sont possibles, bien que les experts craignent des modifications déséquilibrant le texte. Au final, c’est le peuple gabonais qui tranchera, car la nouvelle Constitution devra être soumise à référendum à la fin de l’année.
Cette réforme représente une étape cruciale vers une démocratie plus forte et plus inclusive, reflétant les aspirations et les volontés du peuple gabonais.
Réactions et Perspectives
La proposition de cette nouvelle Constitution a suscité des réactions variées. Certains acteurs politiques et de la société civile saluent cette initiative comme une avancée démocratique majeure pour le Gabon. Ils estiment que le nouveau texte, en renforçant la séparation des pouvoirs et en instaurant des mécanismes de contrôle plus rigoureux, pourra prévenir les dérives autoritaires et assurer une gouvernance plus transparente et responsable.
Craintes et Défis
Toutefois, des inquiétudes subsistent quant à l’avenir de cette réforme. Certains craignent que les pressions politiques ne conduisent à des modifications a posteriori qui pourraient compromettre l’équilibre du texte. Albert Ondo Ossa, ancien candidat à la présidentielle d’août 2023, a publiquement rejeté le Dialogue national, mettant en doute l’indépendance du processus de rédaction.
De plus, la récente déclaration du Premier ministre Raymond Ndong Sima, annonçant 47 actions en rapport avec la Constitution, sans beaucoup de précisions, a ajouté à l’incertitude. Les membres du Comité constitutionnel national insistent sur le fait qu’ils ont achevé leur travail conformément aux conclusions du Dialogue national inclusif et à leur expertise. Ils craignent que des modifications ultérieures ne dénaturent leur travail soigneusement équilibré.
Prochaines Étapes
Le projet de Constitution sera bientôt remis au général Brice Clotaire Oligui Nguema, chef de l’État, puis au Parlement pour examen et éventuels amendements. La transparence et l’engagement des autorités seront cruciaux pour maintenir la confiance des citoyens dans ce processus. Le référendum prévu pour la fin de l’année permettra au peuple gabonais de se prononcer sur cette nouvelle Constitution, scellant ainsi son avenir démocratique.
Enjeux de la Réforme Constitutionnelle
Cette réforme constitutionnelle est essentielle pour plusieurs raisons :
- Stabilité Politique : En mettant en place des mécanismes robustes pour la séparation des pouvoirs et la responsabilité politique, la nouvelle Constitution vise à prévenir les crises politiques et les abus de pouvoir.
- Renforcement de la Démocratie : En incluant des dispositions pour un contrôle parlementaire renforcé et un pouvoir judiciaire indépendant, le texte vise à garantir une gouvernance plus transparente et plus juste.
- Adaptation aux Réalités Modernes : En s’inspirant de constitutions étrangères et en intégrant des principes de droit comparé, le texte cherche à moderniser le cadre légal du Gabon pour le rendre plus adapté aux défis contemporains.
- Participation Citoyenne : Le processus de référendum permettra aux citoyens de s’approprier la Constitution, renforçant ainsi leur engagement et leur confiance dans les institutions démocratiques.
Conclusion
La réforme de la Constitution gabonaise représente une opportunité historique pour le pays. Si elle est menée à bien avec intégrité et transparence, elle pourrait poser les fondations d’une démocratie plus solide et plus résiliente. Toutefois, la réussite de cette initiative dépendra de la volonté politique de préserver l’équilibre des pouvoirs et de respecter la volonté du peuple gabonais.
Le référendum à venir sera le moment de vérité, où les Gabonais décideront du futur cadre légal de leur nation. En attendant, il est crucial que le débat public soit ouvert et inclusif, permettant à toutes les voix de se faire entendre et contribuant à l’édification d’un avenir démocratique partagé.
Source : Gablibre / RFI
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