Alors que Brice Clotaire Oligui Nguema, président de transition du Gabon, est attendu à Paris pour une visite de travail de cinq jours, Jeune Afrique publie un récit exclusif de la rencontre entre son directeur de publication, Marwane Ben Yahmed, et l’ancien président déchu, Ali Bongo. Le 10 mai dernier, Ali Bongo a livré ses réflexions sur le coup d’État qui l’a évincé, sa situation actuelle, et les nombreuses accusations portées contre lui et sa famille. Ali Bongo.
Un ressentiment palpable
Ali Bongo ne mâche pas ses mots. « Je n’ai pas dirigé ce pays seul. Certains de ceux qui sont aux affaires aujourd’hui et qui me vilipendent ont travaillé avec moi. N’ont-ils rien à se reprocher ? Les Bongo sont-ils responsables de toutes les vicissitudes du Gabon ?
Très bien, nous verrons s’ils feront mieux. » Avec cette déclaration, il exprime clairement son amertume. Marwane Ben Yahmed rapporte que Bongo ne montre « aucun signe de contrition », qu’il s’agisse des accusations de détournement massif d’argent public, des soupçons concernant la préparation de son fils à la succession, ou encore des controverses autour des élections de 2009 et 2016.
Convictions et défaites
Malgré sa chute brutale, Ali Bongo continue de clamer sa victoire lors de la présidentielle d’août 2023, interrompue par le coup d’État militaire. « Je ne cherche pas à revenir, contrairement à ce que certains pensent. » affirme-t-il, rejetant les accusations de tentative de retour au pouvoir. Selon lui, son seul tort a été de faire trop confiance et de se laisser trahir par certains de ses collaborateurs.
Refus de l’exil
Face à la perspective d’un exil, Ali Bongo est catégorique : « Je ne partirai jamais sans Sylvia et Noureddin », son épouse et son fils actuellement emprisonnés. Il a également refusé de démissionner et de céder certains biens dits mal acquis, montrant une détermination à rester sur place et à défendre sa position.
Une famille éprouvée
Marwane Ben Yahmed, lors de sa visite, a également croisé Patience Dabany, la mère d’Ali Bongo, ainsi que Pascaline Bongo, sa sœur aînée. Il décrit un Ali Bongo affaibli physiquement mais toujours lucide et déterminé, se déplaçant avec difficulté et ayant entamé une grève de la faim. Cette image contraste fortement avec celle de l’ancien chef d’État autrefois puissant, désormais réduit à lutter pour sa survie et celle de sa famille.
La situation d’Ali Bongo est emblématique des bouleversements politiques récents au Gabon. Tandis que Brice Clotaire Oligui Nguema prend les rênes du pays et tente de tourner la page, les paroles et les actions de Bongo rappellent que l’ombre de son long règne plane encore sur la scène politique gabonaise. Son refus de se soumettre complètement et ses accusations envers ses anciens collaborateurs posent des questions sur l’avenir politique du Gabon et sur la véritable portée des changements en cours.
Un avenir incertain
Alors que le Gabon se trouve à un carrefour politique, l’avenir reste incertain. Brice Clotaire Oligui Nguema, qui s’apprête à rencontrer les dirigeants français, devra faire face à des défis majeurs. Il devra convaincre non seulement la communauté internationale de sa capacité à stabiliser le pays, mais aussi les citoyens gabonais de sa volonté d’instaurer un changement véritable et durable.
Les défis du nouveau régime
Le nouveau président de transition devra répondre à des attentes élevées en matière de transparence et de lutte contre la corruption, des questions qui ont largement entaché le régime Bongo. La population attend des réformes profondes et des actions concrètes pour améliorer les conditions de vie et relancer l’économie. Brice Clotaire Oligui Nguema aura la lourde tâche de prouver qu’il peut faire mieux que ses prédécesseurs, sous peine de voir sa légitimité rapidement remise en cause.
La relation avec la France
La visite à Paris de Brice Clotaire Oligui Nguema est cruciale. La France, ancien colonisateur et partenaire historique du Gabon, observe de près les évolutions politiques dans ce pays stratégique d’Afrique centrale. Paris, tout en prônant la démocratie et le respect des droits de l’homme, devra trouver un équilibre entre soutenir le nouveau régime et exercer une pression pour des réformes démocratiques. Cette relation sera déterminante pour l’avenir du Gabon, tant sur le plan économique que politique.
Le rôle de la communauté internationale
Au-delà de la France, la communauté internationale, notamment les Nations Unies et l’Union africaine, a un rôle clé à jouer dans l’accompagnement de la transition gabonaise. Une surveillance stricte des processus électoraux à venir, ainsi qu’un soutien aux initiatives de réconciliation nationale et de développement, seront essentiels pour garantir une transition pacifique et stable.
Les attentes de la population
Les Gabonais, fatigués par des décennies de gouvernance controversée, ont des attentes élevées vis-à-vis du nouveau régime. La demande pour une justice équitable, des opportunités économiques et une meilleure gestion des ressources naturelles est forte. La transition sera jugée en grande partie sur sa capacité à répondre à ces besoins fondamentaux et à démontrer une rupture avec les pratiques passées.
Le Gabon est à un moment crucial de son histoire. Les paroles d’Ali Bongo, pleines de ressentiment et de défi, rappellent les défis à surmonter pour tourner la page d’un passé tumultueux. Brice Clotaire Oligui Nguema, en tant que figure de transition, a une opportunité unique de redéfinir l’avenir du pays. Cependant, la route vers la stabilité et le progrès est parsemée d’obstacles. Le succès de cette transition dépendra de la capacité du nouveau régime à instaurer des réformes significatives, à gagner la confiance de la population et à s’engager véritablement sur la voie de la démocratie et de la bonne gouvernance.
Source : Jeune Afrique et RFI
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